Le vote n’a pas fait grand bruit. Et pourtant, il marque une évolution symbolique. Du moins sur le court terme. Jeudi dernier, la France s’est prononcée au sein du Conseil de sécurité des Nations unies en faveur d’une adhésion de la Palestine à l’Organisation des Nations unies (ONU). Un choix qui fait suite au projet de résolution présenté par l'Algérie. Celui-ci a reçu 12 voix pour, 2 abstentions (Royaume-Uni et Suisse) et 1 voix contre (États-Unis).
En 2011, lorsque la question s’était posée, la France s’était abstenue. Son représentant permanent, Gérard Araud, avait alors souligné qu’un tel vote « apparaîtrait à la fois inutilement confrontationnel et risqué ». En cause : la certitude d’un échec, puisque Washington opposerait, quoi qu’il arrive, son veto. Paris avait en revanche appuyé la démarche visant à accorder à la Palestine le statut « d’État non membre observateur », ce dont elle bénéficie dès 2012.
Dans ces circonstances, comment comprendre le récent vote de la France ? Après tout, elle savait que Washington entraverait l’initiative algérienne d’une part et que le vote de Paris susciterait forcément l’ire d’Israël de l'autre. Hier, le ministre israélien des Affaires étrangères a d’ailleurs annoncé une réunion urgente avec les ambassadeurs des pays ayant appuyé l’adhésion d’un État palestinien à l’ONU.
La démarche française semble répondre à plusieurs objectifs. Le premier est de permettre à Paris de jouer un rôle diplomatique dans une région où son influence s’est amoindrie, en profitant de l’extrême polarisation que suscite le conflit israélo-palestinien entre Nord et Sud globaux, à plus forte raison depuis le 7 octobre, pour s'ériger en possible médiateur. Le vote de Paris s’inscrit ainsi dans la continuité de la tribune signée par le président français Emmanuel Macron aux côtés des chefs d’État égyptien et jordanien, le maréchal Sissi et le roi Abdallah II. Le texte, publié dans Le Monde le 8 avril, appelle à un cessez-le-feu immédiat à Gaza et exprime la volonté de faire aboutir la solution à deux États, dans un contexte où celle-ci apparaît plus illusoire que jamais du fait de la poursuite à vitesse grand V de la colonisation en Cisjordanie.
En février dernier, Emmanuel Macron affirmait aussi que « la reconnaissance d’un État palestinien » n’était « pas un tabou pour la France ». Un changement de cap pour celui qui, en 2017, se disait opposé à une telle initiative. Le vote de jeudi semble ainsi faire écho à cette nouvelle approche.
Si la demande d’admission de la Palestine a été recalée, il n’en reste pas moins que Washington n’a jamais été autant isolé sur la scène diplomatique et que le vote de Paris y a contribué. Or, le président américain Joe Biden est le seul acteur qui puisse réellement faire pression sur Israël. Pour la majorité des États membres au sein du Conseil de sécurité, la création d’un État palestinien est aujourd’hui considérée comme une condition de stabilité dans la région. Et pour compenser le refus du Conseil, l’Assemblée générale de l’ONU pourrait prochainement relancer le processus. Et Joe Biden mettre en péril sa réélection, alors qu’une partie de sa base électorale lui reproche depuis plusieurs mois sa complicité dans les crimes commis par Israël contre les Palestiniens.
Rectifier le tir
Le vote français s’explique peut-être aussi par la volonté de Paris de redorer son blason dans le monde arabe. Le capital sympathie de la France, déjà sérieusement entamé depuis le mandat présidentiel de Nicolas Sarkozy et le rapprochement opéré entre Paris et Tel-Aviv au nom de la lutte contre le terrorisme islamiste, s’est de nouveau dégradé après le 7 octobre. Paris s’est en effet trouvé en première ligne pour soutenir l’État hébreu, allant jusqu’à proposer une coalition internationale de lutte contre le Hamas sur le modèle de ce qui a été fait pour combattre l’État islamique. Nombre de figures phares du gouvernement ou du parti présidentiel sont montées au créneau pour témoigner de leur indéfectible soutien à Israël, sans égard aucun pour la situation dans les territoires palestiniens. Mais face aux critiques grandissantes émanant des rangs du Quai d’Orsay et des ambassades françaises au Moyen-Orient, Emmanuel Macron a tenté de rectifier le tir, quitte à parfois donner l'impression de jouer sur tous les tableaux. Dans un entretien exclusif avec la BBC un mois après l’activation du déluge de feu israélien contre la population gazaouie, le président français ose un « nous partageons la volonté (d’Israël) de se débarrasser du terrorisme. Mais « de facto, aujourd’hui, des civils sont bombardés. Ces bébés, ces femmes, ces personnes âgées sont bombardés et tués ». Il n’y a « aucune justification » et « aucune légitimité à cela ».
Depuis le déclenchement de la guerre à Gaza, la France et la Jordanie ont en outre procédé à plusieurs largages conjoints d’aide humanitaire sur l’enclave palestinienne réduite en cendres et affamée par Israël. Le ministère des Affaires étrangères a également multiplié les déclarations condamnant avec fermeté les raids de colons armés contre les civils palestiniens en Cisjordanie. La France a même adopté des sanctions à l'encontre de 28 colons jugés extrémistes, privés désormais d'entrée sur le territoire français.
Malgré ce rééquilibrage diplomatique, Paris reste dans les faits un allié incontournable de l’État hébreu qu’il a, avec d’autres pays comme les États-Unis, l'Allemagne, la Jordanie, l'Arabie saoudite ou encore les Émirats arabes unis, aidé à « déjouer » la réponse militaire iranienne contre le territoire israélien dans la nuit du 13 au 14 avril, après le bombardement quelques jours auparavant d’une annexe du consulat de la République islamique à Damas, largement imputé à Israël.
commentaires (11)
Macron!Est devenu un Madame Claude de la politique étrangère !Ce n'est pas la première fois qu'il fait volte-face !Comment pouvons-nous oublier son fameux discours au lendemain de l'explosion du port de Beyrouth?Qui peut oublier sa volte-face en laissant les Libanais pour deux bons contrats lucrative avec l'Iran!La France de Macron est une déception!Au Diable les macroniens, au diable La France!
Marwan Takchi
17 h 11, le 22 avril 2024