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Politique - Commentaire

Gebran Bassil contre le reste du monde

En 2021, le leader du CPL n’a pas l’intention de se réinventer. Mais plutôt de tout faire pour être en position de force en 2022.


Gebran Bassil contre le reste du monde

Gebran Bassil. Photo archives AFP

« Ce que l’on te reproche, cultive-le : c’est toi. » Probablement sans le savoir, Gebran Bassil a fait sien l’adage de Jean Cocteau. En 2019, le chef du CPL était conspué par la rue, comme aucun autre homme politique sur la scène locale. En 2020, il était placé sur la liste des sanctions américaines, de quoi sérieusement hypothéquer son avenir politique. Et pourtant, cette année ne sera pas celle de l’introspection pour le gendre du président, qui n’a aucune intention de se réinventer. En 2021, Gebran Bassil compte faire du Gebran Bassil. Et encore plus qu’avant même, tant l’enjeu est crucial. Le leader chrétien ne joue rien de moins que sa survie politique. Certes, ce n’est pas le seul. Mais qui d’autre, dans l’arène libanaise, a autant à perdre ? Qui d’autre a consacré autant de temps et de sueur au service d’une seule ambition sans avoir encore pu l’assouvir ?

Il l’a maintes fois prouvé par le passé : pour le pouvoir, il est prêt à toutes les contorsions politiques. À faire et à défaire des alliances, à dire tout et son contraire, à se faire passer à la fois pour la victime et le grand manitou. Il l’a encore démontré dans sa longue conférence de presse de dimanche dont l’objectif principal était, comme à l’accoutumée, de le dédouaner de toute responsabilité et de tirer à boulets rouges sur ses nombreux ennemis. La crise économique ? Le résultat d’un projet régional visant à en finir avec le Liban. Le blocage gouvernemental? Il en incombe aux mensonges de Saad Hariri, qui cherche à mettre les chrétiens de côté. Son alliance avec le Hezbollah ? À redéfinir par rapport aux nouvelles donnes.

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Rien de vraiment nouveau sous le soleil. Son discours était une espèce de fourre-tout populiste, aux accents complotistes et identitaires donnant l’image de quelqu’un qui veut jouer sur tous les tableaux en même temps : il se veut le protecteur de son camp et le défenseur de l’unité nationale, le garant de la souveraineté et l’allié du Hezbollah, l’ami des Arabes et celui des Iraniens, le parangon du respect de la Constitution et le champion de la revanche chrétienne. La rhétorique bassilienne a une élasticité sans limites, jusqu’à pousser le ridicule au point d’affirmer que le Liban doit importer des vaccins contre le Covid-19 « venant de l’Ouest autant que de l’Est ».

« Bassil ou on paralyse le pays »

Gebran Bassil a deux obsessions depuis la révolte de 2019 : le retour de Saad Hariri sur le devant de la scène dont il est exclu, lui donnant le sentiment d’être le seul à en payer les frais ; le fait d’être considéré par la rue comme aussi corrompu que les autres hommes politiques, ce qui affaiblit, voire annihile, tout l’argumentaire antisystème sur lequel une grande partie du discours aouniste repose depuis des années. Comment continuer en effet de prétendre être le principal opposant au pouvoir quand on a été au cœur de celui-ci pendant des années ?

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Le leader du CPL est affaibli sur tous les fronts. Sur la scène internationale, il n’a aucun allié de poids. Les Occidentaux le boycottent, les Russes le regardent à peine, les Iraniens ne lui font pas confiance et les Arabes le honnissent. Sur la scène politique libanaise, il ne peut plus compter que sur le Hezbollah, dont l’impopularité ne cesse de grimper au sein de sa base. Il est en froid, si ce n’est en conflit ouvert, avec Saad Hariri, Nabih Berry, Walid Joumblatt, Sleiman Frangié ou encore Samir Geagea. Au sein de son parti, il est de plus en plus contesté, entre ceux qui ont fait défection et les vieux barons qui font à peine semblant de cacher tout le mépris qu’il leur inspire. Mais Gebran Bassil semble être un homme qui se nourrit de la haine que lui vouent ses adversaires. Il donne l’impression de n’aimer rien de plus, et c’est quelque part dans l’ADN du aounisme, que de se battre contre le reste du monde. Avec un objectif précis : défendre bec et ongles les acquis des législatives de 2018 à l’issue desquelles le CPL est arrivé en tête et être en position de force au moment du prochain grand marchandage politique. En 2022 ? Peut-être, même si son parti aurait certainement beaucoup à perdre en cas de nouvelles élections législatives. Mais c’est aussi l’année de la fin du mandat Aoun où le Parlement sera chargé d’élire son successeur, alors que la Chambre actuelle a l’avantage pour lui d’être dominée par les partis du 8 Mars.

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Même dans cette configuration, comment le gendre pourrait-il malgré tout succéder à son beau-père ? À supposer que le Hezbollah en fasse son favori, ce qui pourrait s’entendre même si Sleiman Frangié pourrait également avoir les faveurs du parti chiite, sur qui d’autres pourrait-il compter ? Bien que la politique libanaise ait ses raisons que la raison elle-même ignore, il semble assez improbable de voir Nabih Berry, Saad Hariri ou encore Samir Geagea apporter leur soutien à Gebran Bassil d’ici à un an. Le chef du CPL est certainement allé trop loin. Il n’a pas d’autres choix pour le moment que de gagner du temps et de tenter parallèlement d’affaiblir au maximum ses adversaires. Et d’essayer enfin de reproduire, en digne héritier, la stratégie qui a permis à son beau-père d’accéder à la présidence de la république : « Ce sera moi ou personne. » Autrement dit : « Bassil ou on paralyse le pays. »

« Ce que l’on te reproche, cultive-le : c’est toi. » Probablement sans le savoir, Gebran Bassil a fait sien l’adage de Jean Cocteau. En 2019, le chef du CPL était conspué par la rue, comme aucun autre homme politique sur la scène locale. En 2020, il était placé sur la liste des sanctions américaines, de quoi sérieusement hypothéquer son avenir politique. Et...

commentaires (21)

Pourquoi tant de haine? D'abord, l'ambition est une des vertus des émigrés libanais. L' acharnement contre M. Bassil, rappelle les attaques dont a été victime Jacques Chirac après son refus d'engager la France dans la guerre américaine contre l' Irak. Comme Chirac, M. Bassil préfère servir son pays qu'obéir à l'ami américain. Cordialement Et si vous parliez des milliardaires?

NASSER Jamil

08 h 48, le 13 janvier 2021

Tous les commentaires

Commentaires (21)

  • Pourquoi tant de haine? D'abord, l'ambition est une des vertus des émigrés libanais. L' acharnement contre M. Bassil, rappelle les attaques dont a été victime Jacques Chirac après son refus d'engager la France dans la guerre américaine contre l' Irak. Comme Chirac, M. Bassil préfère servir son pays qu'obéir à l'ami américain. Cordialement Et si vous parliez des milliardaires?

    NASSER Jamil

    08 h 48, le 13 janvier 2021

  • Bassil - Trump ????

    Eleni Caridopoulou

    17 h 56, le 12 janvier 2021

  • que le mec nomme bassil croit encore en lui est tres legitime. mais qu'il espere encore se foutre des gueules des cadres hezbollahi et de leurs allies , la alors c'est dement. pauvre nasroullah que aoun et pti gendre n'ont de cesse de le malmener.

    Gaby SIOUFI

    17 h 14, le 12 janvier 2021

  • Le président Amine Gemayel a fait une grande erreur à la fin de sa présidence de nommer Michel Aoun pour le remplacer. Le peuple libanais paie toujours cette erreur et risque de continuer à la payer avec ce beau fils. Le mauvais sort s'acharne sur le Liban.

    Achkar Carlos

    15 h 21, le 12 janvier 2021

  • "... Gebran Bassil contre le reste du monde ..." - LOL. Calimero Bassil. "Tout le monde il est méchant, snif!". Franchement, j'ai presque pitié pour lui.

    Gros Gnon

    14 h 54, le 12 janvier 2021

  • Le fait est que l'urgence est d'arrêter le massacre actuel du peuple libanais, pas de déterrer les cadavres de l'Histoire, n'est-ce pas?

    Christine KHALIL

    14 h 23, le 12 janvier 2021

  • Ay ya yay a quoi sont réduit nos commentaires de journaux –et nos stations TV - : Hier c’était Hassan Nasrallah , ajourd’hui c’est Bassil , demain c’est Michel Pour quand le tour des assassins ( qui sont passés par la prison )des coopérants avec Israel ,et nos fameux Koulons ? Ils se sont évaporés ?.... Non ils sont devenus GENTIL !!!

    aliosha

    13 h 24, le 12 janvier 2021

  • Bravo pour cet article qui met en relief les aspects populistes de nos (chers..qui nous coûtent très chers même ) responsables au liban. Bravo encore pour cette analyse de l'OLJ

    LE FRANCOPHONE

    13 h 02, le 12 janvier 2021

  • LA CAUSE DU MALHEUR DE TOUT LE LIBAN EST EN FAIT DECRIT DANS CET ARTICLE CRIANT DE VERITE BRAVO EN ATTENDANT LA REPLIQUE DE S.H

    LA VERITE

    12 h 25, le 12 janvier 2021

  • CELUI QUI NE DEGAGE PAS DE BONGRE SERAIT DEGAGE UN JOUR DE MALGRE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 09, le 12 janvier 2021

  • Enfin une analyse lucide sur le personnage de Bassil...

    La Colère de Zeus

    11 h 05, le 12 janvier 2021

  • Je me demande comment les quelques patriotes au sein du CPL tolèrent ce mec qui torpille leur pays au lieu de tenir une réunion pour l’exclure à jamais de leur parti et le déclarer persona non grata. A chacune de ses déclarations il salit tous les chrétiens qu’il prétend défendre et les enfonce un peu plus dans le sectarisme en les utilisant pour ternir leur image aux yeux de leurs compatriotes qui le 17 novembre 2019 étaient soudés et qu’il a trouvé le moyen d’instiller son poison pour semer le doute dans la tête de quelques uns en évoquant les droits des chrétiens qu’il a pris le soins d ‘anéantir minutieusement et sans état d’esprit. Il se voit sur le pot de chambre de Baabda qui pour lui, assoiffé de pouvoir et d’argent serait un poste garanti à vie puisqu’une fois la dessus il menacerait de brûler le pays si on oserait évoquer la constitution pour le dégager. Ça n’arrivera jamais mais dans sa tête il s’y voit déjà.

    Sissi zayyat

    10 h 55, le 12 janvier 2021

  • Covid19 où es tu? Rends nous service pour une fois.

    Marie-Hélène

    09 h 25, le 12 janvier 2021

  • Michel Aoun fait une erreur historique, il hypothèque l'avenir de son parti -le CPL- a celui de son gendre -Bassil-. Tant mieux !

    Lebinlon

    09 h 17, le 12 janvier 2021

  • Iznogoud ! Il he’s no good ! Il faut qu’il le comprenne une fois pour toutes, et se fasse hara-kiri , comme les japonais, pour le bien de tous !

    LeRougeEtLeNoir

    08 h 46, le 12 janvier 2021

  • Excellente analyse! Merci!

    Yves Prevost

    07 h 41, le 12 janvier 2021

  • "... Bassil ou on paralyse le pays ..." - On paralyse le pays? Pourquoi, le pays bouge encore? C’est une bonne nouvelle ça...

    Gros Gnon

    05 h 47, le 12 janvier 2021

  • A force de maladresses et de mauvais choix cet homme perd pied et ne maitrise plus la (sa) situation .. ses mauvais choix par le passé et son obstination actuelle, que de vouloir à tout prix transiger avec une milice qui n'est que supplétive aux iraniens .. et dont le chef local fait partie des vingt extrémistes parmi les plus dangereux de la planète.. Il suffirait d'une coalition, même limitée dans le temps, par les forces du 14 mars, afin d'élaborer une démarche pour modifier les rapports de force actuels... et renverser la table.

    C…

    04 h 46, le 12 janvier 2021

  • quel triste sire...le seul moyen pour lui d'etre president est un coup d'etat du hezbollah

    Liban Libre

    02 h 59, le 12 janvier 2021

  • Après avoir contribué à la faillite de son pays, comment ce type peut-il encore se regarder dans la glace ? Il ne sait plus quoi faire et quoi dire pour faire bonne figure, mais les Libanais ne sont pas dupes, ils l'ont banni à jamais et se marrent lorsqu'il parle de "garantir la stabilité du pays" (cf. l'article d'hier). Mais bon, la susceptibilité étant la principale particularité du fanatique, il essaye encore par tous les moyens de sauver sa peau et ne perd toujours pas de vue le trône de Baabda déjà souillé par l'ADN aouniste. Il suggère un changement du système politique ? Le peuple libanais aussi ! A la différence que les vrais Libanais, normaux et soucieux de la stabilité du pays, quand ils parlent de changement de système politique ils impliquent automatiquement le dégagisme. Lui se voit encore acteur de la scène politique alors qu'il ne représente que le mal. Il peut baragouiner pendant des jours et des nuits, tout ce qu'il dit n'a absolument aucune valeur.

    Robert Malek

    01 h 48, le 12 janvier 2021

  • Il montre son pouvoir de nuisance pour négocier avec les américains...

    Alexandre Husson

    00 h 39, le 12 janvier 2021

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