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Politique - Discours

Le chef de l’État part en guerre contre la corruption... 4 ans trop tard

Aoun s’est fixé comme priorités l’audit de la BDL et l’enquête sur l’explosion du port.

Le chef de l’État part en guerre contre la corruption... 4 ans trop tard

Le président Michel Aoun prononçant le discours de l’Indépendance. Photo Dalati et Nohra

« Pas de marche arrière dans la lutte contre la corruption » pourrait être le grand titre du discours prononcé, le 21 novembre, par le chef de l’État à l’occasion du 77e anniversaire de l’Indépendance, qui n’a été marqué cette année par aucun défilé militaire. Cette lutte, a-t-il insisté, est « inégale ». De fait, au vu du ton du discours adopté par le président, ce combat semble dépasser les capacités de l’appareil d’État, pour ne rien dire des prérogatives du chef de l’État.

« Je le dis en toute clarté, a déclaré M. Aoun dans son message préenregistré, je ne reculerai pas ni ne m’écarterai de ma lutte contre la corruption enracinée dans nos institutions, bien que ce soit une bataille inégale face à un système interconnecté qui tient les rênes de la décision financière depuis des décennies. » Le chef de l’État est aux deux tiers de son mandat qui expire le 31 octobre 2022.

Candeur ? Réalisme ? Dressant un tableau très sombre de l’état du pays, ce qui n’est nouveau pour personne, Michel Aoun a estimé que le Liban est aujourd’hui « pris en otage par la corruption à tous les niveaux », politique, financier, administratif et judiciaire. Dénonçant la corruption du système judiciaire au Liban, M. Aoun a même touché à ce sujet sensible en précisant : « Notre pays est prisonnier d’un système judiciaire, lui-même asservi par la politique et dominé par les personnes influentes. »

Pour lutter contre la corruption, M. Aoun s’est fixé deux priorités : l’enquête sur la double explosion monstre du port de Beyrouth, le 4 août dernier, et l’audit juricomptable de la Banque centrale.

« Il est évident que l’enquête (sur la double explosion du port) doit couvrir tous les aspects de la catastrophe et ne pas se limiter aux responsabilités administratives », a-t-il insisté au sujet de l’enquête locale sur l’explosion du 4 août, qui n’a abouti qu’à une série d’arrestations – contestées – de responsables administratifs qui n’ont toujours pas été inculpés et dont les supérieurs hiérarchiques, parmi lesquels figurent des ministres, ont été interrogés comme témoins sans être inquiétés.

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Des déclarations qui interviennent alors que les Libanais attendent depuis des mois de voir enfin déboucher sur du concret l’enquête sur le port confiée au juge Fadi Sawan dans le cadre d’une instruction de Cour de justice et dont les conclusions traînent depuis août dernier. Le député Alain Aoun (CPL), relancé par L’OLJ, confirme que le président de la République souhaite que les responsables politiques (et non plus seulement administratifs) de ce qu’on peut tenir pour le résultat d’une « négligence criminelle » ou d’« un manquement grave au devoir de la fonction », se retrouvent derrière les barreaux, même s’il s’agit de ministres. La responsabilité des ministres des Travaux publics des gouvernements qui se sont succédé depuis début 2014, date d’arrivée et du stockage de la matière explosive au port, semble donc engagée aux yeux du président Aoun, dans une catastrophe qui a fait plus de 200 morts et des milliers de blessés, et a ravagé des centaines de milliers de logements.

Le président n’oublie pas, en outre, que l’explosion pourrait être d’origine criminelle, et là aussi, si les faits sont établis, souhaite que les responsabilités des organismes sécuritaires chargés de la protection du port soient pointées, a ajouté en substance M. Aoun.

L’audit juricomptable

Par ailleurs, le chef de l’État est revenu dans son discours sur la décision, annoncée à la fin de la semaine dernière, du cabinet Alvarez & Marsal de renoncer à l’audit juricomptable des comptes de la Banque du Liban en raison du manque de coopération de son gouverneur qui a invoqué à ce sujet la nécessité de respecter le secret bancaire des comptes de l’État. « Je n’abandonnerai pas le contrôle financier et pénal, quels que soient les obstacles, et je prendrai les mesures nécessaires pour qu’il puisse reprendre son cours », a promis le président Aoun.

Le député Alain Aoun fait remarquer que le chef de l’État a consacré plus de temps à l’audit juricomptable de la Banque du Liban qu’à la double explosion du port. C’est en effectuant cet audit, au coeur de plusieurs bras de fer politiques, que l’on identifiera les éventuels mécanismes illégaux ou aventureux qui ont conduit à l’effondrement financier et dont les responsables pourraient être redevables pénalement, estiment le parlementaire comme de nombreux experts.

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Le député Ibrahim Kanaan, président de la commission des Finances, rappelle de son côté qu’à la demande expresse du chef de l’État, qui lui en a envoyé une ébauche, il a présenté le 19 octobre un projet de loi « pour la levée non seulement du secret bancaire, mais aussi du secret professionnel », une mesure qui toucherait toutes les institutions, y compris la BDL. « J’ai formulé ce projet de loi en réponse à un désir du chef de l’État de couper court à toute tentative de bloquer ce processus d’audit », affirme M. Kanaan. « Du reste, ajoute le parlementaire, l’audit des comptes de la BDL doit, dans l’esprit du président, être suivi d’un audit des comptes des différents ministères, caisses et offices mixtes. » M. Kanaan n’exclut pas que le chef de l’État adresse bientôt au Parlement un message à ce sujet.

Attentes déçues

Dans le camp hostile au chef de l’État, on se montre féroce à l’égard d’un discours qui a déçu les attentes de la population. En termes de calamités qui se sont abattues sur le Liban, affirment des personnalités proches des Forces libanaises et du courant du Futur, citées par notre correspondant Philippe Abi-Akl, la population peut facilement rendre au président la monnaie de sa pièce. Il n’a parlé ni de l’initiative française, ni des armes du Hezbollah dont le gouvernement est l’otage, ni de la neutralité active dont parle le patriarche, ni du bras de fer régional entre les États-Unis et l’Iran, ni du réveil des cellules terroristes dormantes, ni des banques qui braquent les déposants, ni de la faim qui taraude les chômeurs, ni des sans-logis, ni des écoles en difficulté, ni de la main basse sur les ressources de l’État dans les secteurs de l’énergie et des télécoms. C’est à croire qu’il est d’une autre ère historique, poursuivent ces sources. Les milieux de l’opposition parlementaire reprochent au chef de l’État de donner l’impression qu’il vient de découvrir ces maux qui minent le Liban, ou qu’il est au pouvoir depuis 4 ans et qu’il ne lui reste que deux ans à gouverner. Ces sources estiment, en gros, que le président geint alors que le Liban a besoin de véritables hommes d’État susceptibles de redonner au Liban la fierté et l’indépendance. Des sources qui, en outre, ne croient pas à la convocation d’une « conférence nationale » à laquelle M. Aoun a, tant de fois auparavant, appelé sans tenir parole. « Si le président Aoun n’y peut rien, qu’il s’en aille », conclut une de ces sources.


« Pas de marche arrière dans la lutte contre la corruption » pourrait être le grand titre du discours prononcé, le 21 novembre, par le chef de l’État à l’occasion du 77e anniversaire de l’Indépendance, qui n’a été marqué cette année par aucun défilé militaire. Cette lutte, a-t-il insisté, est « inégale ». De fait, au vu du ton du discours adopté par...

commentaires (18)

Il parle généralités, laissant de côté le plus important maintenant, n'est-ce pas la formation du gouvernement. Il cherche toujours une part consistante dans le gouvernement, au lieu de faciliter. En un mot, celui qui tout au long de sa carrière, privilégie les petitesses, ne pourra jamais changer en fin de route.

Esber

19 h 31, le 24 novembre 2020

Tous les commentaires

Commentaires (18)

  • Il parle généralités, laissant de côté le plus important maintenant, n'est-ce pas la formation du gouvernement. Il cherche toujours une part consistante dans le gouvernement, au lieu de faciliter. En un mot, celui qui tout au long de sa carrière, privilégie les petitesses, ne pourra jamais changer en fin de route.

    Esber

    19 h 31, le 24 novembre 2020

  • David Copperfield aurait beaucoup à apprendre du hezb et les illusion qu'il nous sert deuis des décennies : je libère le sud, je détruit Israël, je défends le peuple, je vous donne un président fort, je joue le jeu démocratique, je poursuit les corrompus, etc... Entretemps il nous suce le sang et la vie en attendant l'immolation ultime. Le président se dit être le toit en acier ...oui en acier pour servir de siège solide au hezb... Allah yisseeiid Lébnèn!

    Wlek Sanferlou

    14 h 10, le 24 novembre 2020

  • Qu'il commence a balayer pres de chez lui, il ya beaucoup de crasse

    Liban Libre

    13 h 05, le 24 novembre 2020

  • Mr Noun, vous êtes injuste envers le pésident, il a dès son accession à la présidence (tant voulue et à quel prix...), a nommé, payé un ministre et son équipe, pour lutter contre la corruption, un certain Mr Tuéni, si je ne m'abuse.

    DJACK

    13 h 02, le 24 novembre 2020

  • Un paragraphe a attiré mon attention qui émane du parlementaire Aoun. Encore un. Le chef de l’État, qui lui en a envoyé une ébauche, il a présenté le 19 octobre un projet de loi « pour la levée non seulement du secret bancaire, mais aussi du secret professionnel », une mesure qui toucherait toutes les institutions, y compris la BDL. « J’ai formulé ce projet de loi en réponse à un désir du chef de l’État de couper court à toute tentative de bloquer ce processus d’audit », affirme M. Kanaan. « Du reste, ajoute le parlementaire, l’audit des comptes de la BDL doit, dans l’esprit du président, être suivi d’un audit des comptes des différents ministères, caisses et offices mixtes. » M. Kanaan n’exclut pas que le chef de l’État adresse bientôt au Parlement un message à ce sujet. Ce pseudo président a attendu que l’audit rende son tablier pour se réveiller et envoyer une ébauche à un député pour lever le secret bancaire? Pourquoi avait il refusé pendant que cet audit le réclamait haut et fort en s’adressant aux plus hautes autorités pour que ça soit fait et qu’ils puissent travailler? Où était ce président pour exiger la levée du secret bancaire comme il prétend vouloir le faire maintenant? Pourquoi n’a t-il,pas bougé une oreille avant? Il a l’intention de l’adresser bientôt? Quand ça? Lorsque le Liban ne sera plus qu’un vague souvenir ou une ruine que le monde entier viendrait le prendre en photo en sa mémoire?

    Sissi zayyat

    12 h 01, le 24 novembre 2020

  • QUELLE RIGOLADE VENANT DE LUI ! PREND-IL LES LIBANAIS POUR IMBECILES ? C,EST TROP.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 51, le 24 novembre 2020

  • Peut être commencer par arracher à la racine la source de ces dérives, les armes illégales, les chefs de guerre, (y compris et surtout lui même). Le reste ce sont des voeux pieux et du populisme, au mieux, et de la sénilité au pire.

    Bachir Karim

    10 h 48, le 24 novembre 2020

  • When asked about who's respnosibility is it President Truman famously said ' tha buck stops here ' meaning as president he assumes all responsiblity. President Aoun is passing the buck.

    EL KHALIL ABDALLAH

    10 h 43, le 24 novembre 2020

  • Il n'a rien fait pendant 4 ans, il n'en fera pas plus. Des mots et des souhaits pendant 4 ans, aucune réalisation ui aide les libanais Il est aux ordres

    FAKHOURI

    10 h 33, le 24 novembre 2020

  • J'ADORE "" AOUN PART EN GUERRE.... 4 ANS """TROP TARD """ en fait c'est beaucoup plus que 4 ans trop tard, n'est ce pas.... depuis la trouvaille de son fameux slogan qui a rassemble autour de lui les naifs tout autant que ceux qui en voulaient aux FL

    Gaby SIOUFI

    10 h 01, le 24 novembre 2020

  • AOUN CRITIQUE LES RESPONSABLES. LUI PORTE LE NO 1 N'EST PAS RESPONSABLE. IL EST À LA TÊTE DE L'ÉTAT MAIS PAS RESPONSABLE. LES RESPONSABLES SONT EUX. "HINNI" MIIN HINNI ? HINNI.

    Gebran Eid

    09 h 40, le 24 novembre 2020

  • Depuis le temps qu’il brandit ce slogan de « la lutte contre la corruption » il va bien se trouver un courageux pour lui demander d’exhiber ses prises. Il y a pas loin à chercher: il pourrait ouvrir le compteur en s’intéressant à des (très) proches. Mais à ce jour « machi » sinon des jérémiades.

    Marionet

    08 h 40, le 24 novembre 2020

  • Bien dit. Aucune credibilite a l’orateur ni a son discours. Qu’il commence par signer le decret de nomination des juges. Lui comme tous les autres hauts fonctionnaires etaient au courant de la presence de matieres explosives et extremement dangeureuses au port. Il sait tres bien que c’est son allie’, le hezbollah qui couvre la corruption generalisee au port, a l’aeroport et dans tout le pays. Qu’il lance le projet de strategie defensive tellement de fois promis et jamais propose. Qu’il commenece par appuyer l’armee libanaise plutôt que la milice sectaire iranienne. Ce n’est surement pas ce monsieur qui pourra nous sortir de la situation catastrophique qu’il a, pour des raisons uniquement et bassement politiciennes, largement contribue a creer.

    Goraieb Nada

    08 h 28, le 24 novembre 2020

  • mais voyons ! guerre contre la corruption dites vous ? mais quid de la corruption supreme qui lui font passer les interets de son mouvement ceux de son pti gendre et de toute la smalla en 1er ? si on veut faire accroire aux citoyens que la corruption ne signifie QUE voler des sous ben ils peuvent aller se faire voir .

    Gaby SIOUFI

    07 h 58, le 24 novembre 2020

  • Aoun tire à boulets rouges sur l'Etat dont il est le chef! Il semble oublier qu'il n'est plus dans l'opposition, mais le président de la République. Il dresse un bilan parfaitement clair et lucide de son mandat, il n'y manque, pour être complet que deux mots: "mea culpa"!

    Yves Prevost

    07 h 00, le 24 novembre 2020

  • Lutte contre la corruption, mais est-ce qu'une seule personne a été mise derrière les barreaux? Ce ne sont que des slogans malheureusement... d'ailleurs brandis par tous ceux qui sont au pouvoir. Ils luttent tous contre la corruption. Sarcasme. Le Liban, c'est fini.... on va devoir l'admettre et plier bagage...

    C EL K

    05 h 09, le 24 novembre 2020

  • Tant qu’il ne déclare pas l’indépendance du Liban des armes de TOUTES les parties, ce ne sont que des paroles en l’air... Next!

    Gros Gnon

    04 h 16, le 24 novembre 2020

  • Ça fait 4 ans qu'on entend le même discours et on attend toujours des actes qui ne viennent pas. Il est aisé de partir en guerre contre la corruption, de le crier sur tous les toits et finalement dire " qu'ils " ne me laissent pas faire et qu'ils sont tous corrompus dans les citer puisqu'il les connaît. C'est de la morphine à bas prix pour endormir les uns et laisser rêver les autres. Assez de paroles. Des actes, ou évacuer la scène.

    Citoyen

    00 h 41, le 24 novembre 2020

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