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Nos Lecteurs ont la Parole

Au-delà de cette limite vous ne renoncerez plus...

Au Liban, l’heure des comptes et des bilans a sonné depuis un bon moment. La faux qui menace d’emporter avec elle ce qu’il vous reste de vie est aux portes, et la sortie de secours est bloquée. Pour certains, la ligne de démarcation entre l’essentiel et le superflu est si fine qu’elle en devient quasi invisible. À partir de ce moment (maudit) où le ciel vous est tombé sur la tête – au sens propre comme au sens figuré –, vous n’avez eu de cesse de revoir votre mode de vie drastiquement à la baisse. Vous le réduisez à ce qui vous est indispensable, mais il serait judicieux de se demander – et de demander tout court – si ce qui est nécessaire à vos yeux est futile, voire insignifiant, aux yeux des autres ?

Qu’est-ce qui détermine ce petit plus qui représente pour vous «  beaucoup  » et pour d’autres «  rien  ». Renoncer est devenu le mot d’ordre. Un onzième commandement à conjuguer à tous les temps. Renoncer à votre chocolat préféré parce qu’il est devenu hors de prix ou tout simplement introuvable. Réorienter vos addictions vers d’autres plaisirs plus abordables. Ne plus rien acheter hormis ce qui est «  nécessaire  ». Stocker vos médicaments pour un an, vos crèmes de soins, votre eau micellaire et autres produits basiques pour entretenir le peu de coquetterie et de féminité qui restent encore en vous. Tenter de ne pas sombrer dans le même cercle vicieux que 2019/2020, à savoir choisir trois tenues, les laver, les repasser, garder les mêmes baskets et le même sac, et faire tourner. Sortir deux fois par semaine (et encore !), confinement ou pas, plaques d’immatriculation paires ou impaires, ou pas. Éprouver un soulagement sans égal au moment de rentrer au bercail, vous remettre en pyjama, relever vos cheveux avec un clip, enfiler des chaussettes et vous glisser dans votre lit. Dans ce lit qui est devenu votre atelier d’écriture et de peinture, depuis lequel vous officiez en étant connectée virtuellement aux autres– que vous ne voyez presque plus –, mais avec lesquels vous partagez les menus détails de votre quotidien, vos ami(e)s proches de votre cœur.

Il y a bien sûr les divers groupes sur WhatsApp, sur lesquels vous surfez, qui vous renseignent sur ce qui se passe comme événements sécuritaires et autres au Liban, parce que oui, vous vivez sur un volcan qui menace à tout moment de déverser sa lave impitoyable. Vous ne l’avez que trop appris/compris à vos dépens, depuis ces dernières quarante-cinq années qui vous ont drainées jusqu’à vous ôter l’émotion fondamentale la plus élémentaire chez tout être humain : le désir. Vous avez oublié ce que ce mot veut dire. Désirer quoi  ? Pourquoi donc ? Pour en faire quoi ? S’il est vrai que la vie vous somme parfois de renoncer à certains plaisirs, ce renoncement, pour être viable, devrait avoir une limite dans le temps.

Renoncer sans avoir la moindre idée de ce qui vous attend après deux ou trois années de vache maigre est tout simplement insupportable. Renoncer sans visibilité, sans espoir de lendemains meilleurs, c’est mourir tous les jours un peu plus. C’est gommer votre être profond et le laisser se dissoudre dans la masse. C’est perdre votre individualité pour former un groupe compact de bétail que l’on mène à l’abattoir.

Oui, il y a des sacrifices à faire, mais il y a surtout des choses auxquelles il ne faudrait jamais accepter de renoncer, parce que passé cette ligne rouge, vous auriez sacrifié votre âme et que personne ne vous rendra cette partie de vous qui est morte. Surtout pas votre patrie qui vous a tout pris. Alors non, mille fois non, si vous arrivez au point de vous demander s’il y a une vie avant la mort et non pas s’il y a une vie après la mort, c’est qu’il est grand temps de changer à la fois de vie et de pays.

Rien, absolument rien, ne vaut la peine que vous lui sacrifiez vos dernières plus belles années. Il y a des choix difficiles à faire, et si choisir c’est renoncer, alors ne renoncez surtout pas à ce qui est l’essence même de votre être, parce qu’aucun radeau ne sera assez grand pour recueillir l’épave en pleine dérive que vous seriez devenu (e). Rien ni personne ne pourra raccommoder ces morceaux de vous difficiles à rassembler au risque de ne plus ressembler à ce que vous étiez, lorsque vous vous pensiez – à tort – maître(sse) de votre propre vie…

Renoncer ? Possible, mais jusqu’à quand ?

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Au Liban, l’heure des comptes et des bilans a sonné depuis un bon moment. La faux qui menace d’emporter avec elle ce qu’il vous reste de vie est aux portes, et la sortie de secours est bloquée. Pour certains, la ligne de démarcation entre l’essentiel et le superflu est si fine qu’elle en devient quasi invisible. À partir de ce moment (maudit) où le ciel vous est tombé sur la tête...

commentaires (1)

Pas de renoncement mais plutôt une réadaptation. Nous sommes une génération de la guerre et sommes devenus maitres en la matière. Ce que nous devons comprendre c'est que la guerre n'a pas cessé. Elle change de forme. Les Chrétiens sont divisés et doivent se rassembler pour pouvoir surmonter cette guerre et continuer a s'imposer au Liban comme cela a toujours été depuis le Grand Liban

Jose Johann Chidiac

08 h 37, le 28 novembre 2020

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Commentaires (1)

  • Pas de renoncement mais plutôt une réadaptation. Nous sommes une génération de la guerre et sommes devenus maitres en la matière. Ce que nous devons comprendre c'est que la guerre n'a pas cessé. Elle change de forme. Les Chrétiens sont divisés et doivent se rassembler pour pouvoir surmonter cette guerre et continuer a s'imposer au Liban comme cela a toujours été depuis le Grand Liban

    Jose Johann Chidiac

    08 h 37, le 28 novembre 2020

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