Rechercher
Rechercher

Politique - Entretien

Anne Grillo : Nous jugerons Hariri sur les actes

Dans un entretien accordé notamment à « L’Orient-Le Jour », la nouvelle ambassadrice de France au Liban explique que Paris soutient la nomination de l’ex-Premier ministre sans pour autant lui apporter une caution immédiate. « C’est l’action politique qui va compter à la fin », résume-t-elle.

Anne Grillo : Nous jugerons Hariri sur les actes

La nouvelle ambassadrice de France au Liban, Anne Grillo. Marc Fayad/an-Nahar

L’annonce, le 30 juillet dernier, de la nomination de la nouvelle ambassadrice de France au Liban Anne Grillo – première femme à occuper cette fonction – avait suscité des interrogations, son parcours ne témoignant pas d’une grande expérience dans la région. Cinq jours plus tard, le Liban était meurtri par une double explosion qui allait enclencher, avec la visite du président Emmanuel Macron à Beyrouth, ce que les médias locaux ont appelé « l’initiative française », une tentative au plus haut niveau de sauver le bateau libanais avant qu’il ne coule complètement. C’est dans ce contexte où l’action diplomatique française est au cœur de la vie politique libanaise qu’Anne Grillo a pris ses nouvelles fonctions le 8 octobre. Dans une volonté de se présenter, de faire le point sur l’initiative française et les projets qu’elle souhaite porter, la nouvelle ambassadrice a accordé un entretien à L’Orient-Le Jour ainsi qu’à nos confrères d’an-Nahar et al-Joumhouriya.

Testée positive au Covid-19, Anne Grillo est désormais complètement guérie. Dans son bureau de l’ambassade, elle dégage tout de suite une personnalité chaleureuse et dynamique. L’ambassadrice se présente comme une « diplomate d’action », déterminée à « ancrer la relation franco-libanaise dans de nouveaux projets de coopération extrêmement concrets et à ne pas seulement raisonner en termes de big bang ». Telle est sa « signature diplomatique » et c’est ce qu’il lui a certainement valu sa nomination.

« Quand un président de la République nomme un ambassadeur de France au Liban, il ne laisse rien au hasard », dit-elle, avant d’ajouter : « J’arrive d’un pays, le Mexique, où j’ai été témoin d’un bouleversement historique par une population qui était usée par la corruption abyssale qui y règne et un niveau de violence inouï. La mission qui m’avait été confiée à ce moment-là n’était pas moins que de réajuster toute la relation bilatérale à ce changement historique. » Au Liban, si la situation politique ne se débloque pas, le cœur de la mission de la nouvelle ambassadrice sera de sauver tout ce qui peut encore l’être, notamment dans des secteurs-clés comme l’éducation et la santé. « On ne va pas tout arrêter en attendant que les choses se débloquent », dit-elle. Née et élevée à Marseille, Anne Grillo assume une « identité profondément méditerranéenne qui marque (s)a pratique diplomatique ». « Je suis rompue à des environnements complexes et la question de la coexistence des communautés, ça me parle », explique-t-elle, assumant d’avoir été « nommée à un moment exceptionnel, inédit, historique, où le pays s’effondre ».

La nouvelle ambassadrice de France au Liban, Anne Grillo. Marc Fayad/an-Nahar

« Paris a parlé plus que jamais à tous ses partenaires »

Quand on entre dans le vif du sujet, l’ambassadrice nous fait toutefois comprendre qu’elle ne veut pas trop en dire. L’ancien Premier ministre Saad Hariri a été désigné jeudi dernier pour former un nouveau gouvernement. La France a-t-elle encouragé cette nomination ? « Le président de la République a parlé à tout le monde, il a fait passer ses messages et a mis chaque acteur face à ses responsabilités. » L’initiative française a suscité de nombreuses critiques, notamment de la part de la société civile, qui y voit une occasion pour la classe politique traditionnelle de se remettre en selle. La nomination de Saad Hariri est perçue par de nombreux Libanais comme un retour à la case départ, compte tenu du fait qu’il avait démissionné il y a un an sous la pression de la rue. « La nomination de M. Saad Hariri est le début d’une dynamique que nous soutenons, ce qui ne vaut pas caution immédiate », dit Anne Grillo. Est-il en mesure de former un gouvernement capable d’entreprendre les réformes attendues par la communauté internationale, alors qu’il a échoué à le faire par le passé ? « Nous jugerons sur les actes », répond la diplomate. Alors que la presse locale a fait état d’un double feu vert américain et saoudien qui aurait permis de rendre possible le retour de l’ex-Premier ministre, Anne Grillo reconnaît que la France a parlé « plus que jamais à tous ses partenaires » au cours de ces dernières semaines.

Lire aussi

Le retour au pragmatisme de Bassil devrait faciliter la tâche de Hariri

Malgré les deux visites d’Emmanuel Macron, le Liban ne semble pas en mesure de sortir pour le moment de l’impasse politique et encore moins d’entreprendre les réformes attendues. La situation économique continue de se dégrader et de nombreux experts s’attendent à ce qu’elle empire encore avec la baisse continue des réserves de la Banque du Liban, qui permettent de subventionner plusieurs produits essentiels tels que les carburants ou les médicaments. Anne Grillo refuse pour autant de parler d’un « échec de l’initiative française », considérant que celle-ci est toujours d’actualité. Saad Hariri désigné, il s’agit désormais de mettre en place un « gouvernement de mission » capable de lancer les réformes prévues par la feuille de route proposée par la France et acceptée par l’ensemble des acteurs politiques libanais. L’expérience Moustapha Adib, qui s’est récusé après avoir constaté son incapacité à former un gouvernement, a mis en évidence la capacité des acteurs locaux à faire dérailler le processus en jouant sur les zones d’ombre de la feuille de route française. L’expression « gouvernement de mission » peut en effet être sujette à interprétation dans un pays où le terme « technocrate » fait polémique. Est-ce un gouvernement d’experts, à l’abri des influences politiques ? Quid de la question des ministères, alors que la monopolisation de certains maroquins par des formations politiques peut être perçue comme un mauvais signal dans une perspective de réforme ? « Le président a été clair. Vous mettrez qui vous voudrez, mais il faut des gens qui pensent collectif, qui pensent dans l’intérêt du pays, des personnes compétentes qui soient capables de définir un programme d’action pour mettre en œuvre les réformes », répond Anne Grillo. « C’est l’action politique qui compte à la fin. Il y a des choses qui peuvent se faire très rapidement. »

« C’est maintenant ou jamais »

La France appelle à un début de dynamique, « le Liban n’ayant pas le luxe de pouvoir continuer à attendre, sinon c’est la mort assurée ». Insistant, à plusieurs reprises, sur la conviction d’Emmanuel Macron que le Liban n’est pas encore condamné, l’ambassadrice reconnaît toutefois qu’à « un moment donné, il ne sera plus possible de le sauver ». Dans quel délai ? « Je ne commence pas ma mission en me disant que je vais m’arrêter. Le président m’a dit “tenez-bon, on doit enclencher la dynamique”, et c’est ma priorité. »

Lire aussi

Le gouvernement, entre éléments positifs et pièges encore invisibles

Alors qu’Emmanuel Macron est entouré par plusieurs fins connaisseurs du Liban, dont les anciens ambassadeurs Emmanuel Bonne et Bernard Émié, Anne Grillo soutient que, contrairement à ce qui a pu être dit, « il n’y a pas de cellule en France dédiée au dossier libanais, mais plusieurs personnes qui travaillent sur ce sujet en étroite coopération ». « Emmanuel Bonne est un très bon ami et nous avons tous l’habitude de travailler ensemble depuis des années. Vous ne bénéficierez pas tout le temps de cet alignement des astres. C’est maintenant ou jamais », assure-t-elle.

Emmanuel Macron devait se rendre une nouvelle fois au Liban au mois de décembre, mais cette visite paraît conditionnée à des avancées concrètes d’ici là, alors que le pays du Cèdre fait du surplace depuis le début de l’initiative française. « Le président garde toutes les options ouvertes pour le moment. » « Le Liban peut compter sur un président qui ne baisse pas les bras, qui est déterminé parce qu’il y croit. C’est ce que j’ai dit à votre président en lui remettant mes lettres de créance : “Vous avez une responsabilité historique ; vous pouvez faire l’histoire.” » A-t-il compris le message ? « Je l’espère. »

L’annonce, le 30 juillet dernier, de la nomination de la nouvelle ambassadrice de France au Liban Anne Grillo – première femme à occuper cette fonction – avait suscité des interrogations, son parcours ne témoignant pas d’une grande expérience dans la région. Cinq jours plus tard, le Liban était meurtri par une double explosion qui allait enclencher, avec la visite du président...

commentaires (8)

Il fallait un Karcher depuis le début et M. Macron continue à utiliser un arrosoir. Ça les fait grandir et s’épanouir sur le dos des libanais qui eux n’ont même plus une goutte d’eau qu’on utilise pour réveiller les évanouis. Il a manqué à ses promesses lorsqu’ils n’ont pas respecté  le premier délai accordé par la France pour former un gouvernement et n’a pas mis ses menaces à exécution dès leur première entourloupe.C’eatait pour le tester et il est tombé dans leur piège. Il ne le prennent plus au sérieux et continueront leur manège jusqu’à arriver à leur but final qui est d’humilier le président français et détruire complètement notre pays. Ils leur faut du temps et vous jouez leur jeu en le leur accordant. Bravo on aurait pu trouvé mieux comme solution au problème.

Sissi zayyat

12 h 07, le 26 octobre 2020

Tous les commentaires

Commentaires (8)

  • Il fallait un Karcher depuis le début et M. Macron continue à utiliser un arrosoir. Ça les fait grandir et s’épanouir sur le dos des libanais qui eux n’ont même plus une goutte d’eau qu’on utilise pour réveiller les évanouis. Il a manqué à ses promesses lorsqu’ils n’ont pas respecté  le premier délai accordé par la France pour former un gouvernement et n’a pas mis ses menaces à exécution dès leur première entourloupe.C’eatait pour le tester et il est tombé dans leur piège. Il ne le prennent plus au sérieux et continueront leur manège jusqu’à arriver à leur but final qui est d’humilier le président français et détruire complètement notre pays. Ils leur faut du temps et vous jouez leur jeu en le leur accordant. Bravo on aurait pu trouvé mieux comme solution au problème.

    Sissi zayyat

    12 h 07, le 26 octobre 2020

  • Bienvenue Madame l'Ambassadeur, l'atmosphère génèrale aurait pu être plus hospitalière et plus clémente pour vous recevoir au Pays du Cèdre. Soyez vigilante et prudente dans votre parcours et vos entretiens médiatiques sur cette Terre Message, les voies y sont peut-être souriantes et affables, mais aussi très glissantes ! Votre déclaration de ce jour par exemple, pourrait mettre le PM. désigné en mauvaise posture et avec lui l'initiative française, qui, malgré la bonne foi et le désir de bien faire du Président Macron, a été construite avec des matériaux vermoulus et oxydés, et pourrait de ce fait tomber , malgré tous les efforts de M. Hariri!!!!

    Salim Dahdah

    11 h 00, le 26 octobre 2020

  • NOUS JUGERONS SUR LES ACTES ! QUELS ACTES ? LES GENS N'ONT PLUS AUCUNE MINUTES À ATTENDRE LES RÉSULTATS DES EXPÉRIENCES DE HARIRI DANS CE DOMAINE. IL EN A ASSEZ ESSAYÉ DEPUIS LA MORT DE SON PÈRE. LES GENS NE VEULENT PLUS DE LUI. UN VRAI RATÉ. ASSEZ C'EST ASSEZ...DE QUELS ACTES QU'ON PARLE ?

    Gebran Eid

    10 h 40, le 26 octobre 2020

  • Discours anachronique dépassée. De GAULLE ,'aurait jamais accepté de reprendre Laval comme premier ministre! C'est toute la différence! La France soutient le Liban mais se résigne à faire avec les"outils" du passé à l'origine de la tragédie de tout un peuple. A-t-elle compris l'impact des sanctions américaines qui ont fait admettre au couple chiite d'aller de l'avant dans les négociations sur le tracé maritime? Non! Elle impose, oui elle impose, Saad Hariri qui représente tout ce que le peuple rejette. La facture à venir sera lourde de conséquences. Tant pis pour les apprentis sorciers.

    Guy de Saint-Cyr

    08 h 31, le 26 octobre 2020

  • L'ambassadrice dit que quelques soient les personnes aux commandes, bande des cinq gros poissons Hezbollah CPL Amal Futur PSP, petits poissons marionnettes de l'Axe de l'Imposture Khamenei Assad, ou révolutionnaires indépendants en herbe, l'essentiel est leurs actes. Mais quand l'arbre est pourri, comment peut-il donner de bons fruits ? Tout le monde connaît la pourriture de l'arbre transnational de l'imposture, de ses gros requins et petits poissons locaux. Comment espérer que ces gens-là (je ne parle pas au for interne, privé que Dieu seul connaît mais au for externe, public: le Bien Comun) puissent donner de bons fruits ? Macron est-il si mauvais en histoire pour ne pas reconnaître les fruits pourris que cette caste politique faite de marionnettes et de chevaux de Troie de l'Axe de l'Imposture nous donne à manger depuis 30 ans ? Allez d'accord jouons le jeu peu importe les personnes il y a un acte urgent et indispensable à poser pour le salut de Liban : des législatives anticipées ! Pourquoi Macron occulte complètement ce sujet ? Si Macron était un seulement très mauvais en histoire et seulement naïf pour croire aux bonnes intentions de la bande des cinq gros et des petites marionettes de l'Axe de l'Imposture, il aurait au moins exigé d'eux la tenue de ces législatives anticipées sous supervision internationale avant toute chose.. A moins que Macron soit comme Hariri et croit que tout problème politique se règle par l'économie. On voit les résultats..

    Citoyen libanais

    07 h 23, le 26 octobre 2020

  • Mme l ambassadrice,. Vous devez réaliser De facto que les responsables libanais sont, dans les fameux mots inoubliables. du président Sarkozy, rien que de la racaille ...

    Robert Moumdjian

    02 h 53, le 26 octobre 2020

  • Quels actes? Ceux du passé ou les actes à venir ; le passe étant le guarant du futur , nous ne ferons que du status quo

    Robert Moumdjian

    02 h 43, le 26 octobre 2020

  • "... Anne Grillo : Nous jugerons Hariri sur les actes ..." -> On voit qu’elle est nouvelle. C’est mignon. Psst, mâme l’ambassadeur, au Liban c’est Hassan Nasrallah qui commande. Les trois "présidents" ne sont là que pour lever la patte et calmer la populace chrétinosunnitochiite...

    Gros Gnon

    01 h 29, le 26 octobre 2020

Retour en haut